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hérvé juvin - Page 7

  • Inégalités pour tous ?...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°193, décembre 2021 - janvier 2022) est en kiosque!

    A côté du dossier consacré aux inégalités, on découvrira l'éditorial d'Alain de Benoist, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés, des entretiens, notamment avec le sociologue et essayiste Mathieu Bock-Côté... Et on retrouvera également les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin, de Nicolas Gauthier, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers, d'Yves Christen, de Bastien O'Danieli et de Slobodan Despot, ainsi que celle d'Ego Non consacrée à la philosophie politique...

     

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    Éditorial
    La morale, on en meurt ! Par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’entretien
    Mathieu Bock-Côté Contre les nouveaux virus idéologiques

    Cartouches
    L’objet politique : Fruit Of The Loom, l’arrivée des marques à l’école. Par Nicolas Gauthier

    Une fin du monde sans importance. Par Xavier Eman

    Cinéma : Blier, connais pas ! Par David L’Épée

    Carnet géopolitique : Sahel, la France doit-elle partir ? Par Hervé Juvin

    Champs de bataille : Hohenlinden, chant du cygne du général Moreau (I) Par Laurent Schang

    Le rastaqueer. Par Bruno Lafourcade

    Économie. Par Guillaume Travers

    L’implacable douceur de Robert Walser. Le regard d’Olivier François

    Bestiaire : théorie de l’esprit, la preuve par le chien. Par Yves Christen

    Sciences. Par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées
    Circus politicus : quand les clowns font de la politique. Par François Bousquet

    Pascal Rostain : premier voyeur de la République. Propos recueillis par Pascal Eysseric

    La droitisation de la France en question : la parole à Eugénie Bastié Propos recueillis par Iseult Prullé-Rousseau

    Jérôme Sainte-Marie : le peuple n’a pas dit son dernier mot. Propos recueillis par François Bousquet

    La fièvre Carl Schmitt en Chine : les raisons d’un succès. Par Aristide Leucate

    Actualités Carl Schmitt, « Kronjurist » de la Révolution Conservatrice. Par Aristide Leucate

    Patrick Gilliéron Lopreno, méditations chtoniennes. Par David L’Épée

    Chaumont-sur-Loire : quand l’art contemporain sait être généreux. Par Alix Marmin

    Peter Watkins et la Commune, la Révolution ne sera pas télévisée… Par David L’Épée

    Laurent James, le rire de Fernandel, une bénédiction céleste. Propos recueillis par Pascal Eysseric

    La bibliothèque littéraire du jeune Européen. Par Anne-Laure Blanc

    Tyll Ulenspiegel, l’éternel retour du joyeux vagabond saxon. Par Gérard Landry

    Louis-Henri de La Rochefoucauld, du côté des Gilets jaunes. Propos recueillis par Nicolas Gauthier

    Georges Dumézil, heur et malheur d’une épopée intellectuelle. Par Thomas Hennetier

    Dossier
    Inégalités pour tous ?
    Penser l’égalité jusqu’au bout : comment le sociétal a vampirisé le social. Par Alain de Benoist

    Feu sur l’égalitarisme, les banderilles de Jean Cau. Par Pascal Eysseric

    Oui aux inégalités, non à la précarité. Par Guillaume Travers

    Jean Guilaine : aux origines des inégalités, le Néolithique ? Propos recueillis par Thomas Hennetier

    Sans violence, pas de réduction des inégalités. Par Thomas Hennetier

    Société marchande et égalité bourgeoise selon Marx. Par Denis Collin

    Panorama
    L’œil de Slobodan Despot

    Quand les choses nous utilisent . Par Slobodan Despot

    La leçon de philo politique : Vilfredo Pareto. Faiblesse et déchéance des aristocraties. Par Ego Non

    Heureux comme Ganesh en France ! Un reportage de Daoud Boughezala

    Un païen dans l’Église : Saint-Parize-le-Châtel dans la Nièvre. Par Bernard Rio

    C’était dans Éléments : L’esprit bourgeois. Par Alain de Benoist

    Éphémérides

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  • Vertiges écologiques...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux non-dits de l'idéologie écologiste.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    Vertiges écologiques

    Dans l’avion pour Washington DC. Avec plusieurs représentants de l’Union européenne, tous virulents promoteurs des accords de libre-échange aussi bien que du « Green Deal » — l’accord européen sur l’environnement, ces choses-là se disent mieux en anglais.

    Se couper du monde

    Beau temps sur la plupart du parcours, exceptionnelle vue de l’Irlande et de côtes que la tempête qui souffle à l’ouest ourle de blanc, panorama du Saint-Laurent entre Terre-Neuve et Labrador, puis de la côte de l’Ouest américain, Portland, etc. Aveu personnel ; j’aurai vieilli sans être rassasié de la beauté du monde. Mais je constate une fois de plus que tous et toutes ont dès le départ obscurci les hublots, pour se concentrer qui sur l’écran de bord qui diffuse films et infos, qui sur sa tablette ou son portable. Je me souviens avoir ressenti la même surprise quand l’avion vers Madagascar suivait le Nil, dans les plus beaux paysages d’Afrique, et que d’ignares représentants d’ONG de développement demandaient de fermer tous les hublots pour pouvoir s’anesthésier devant leurs tableurs.

    Se séparer du monde. Tenir pour futile l’émerveillement devant un paysage, une vague, un champ de glace sur la mer. Préférer l’écran numérique au soleil, aux nuages, à la forêt. Bref, s’installer dans le monde de l’artifice que construisent les industriels de la data, du spectacle et du contenu de cerveau disponible, au point de devenir insensible à ce qui, depuis des millénaires, est au fond de l’expérience humaine, de la joie de vivre, et de la perception du sacré.

    Rien de plus politique que cette expérience. Car elle donne le petit secret du dévoiement de l’écologie. Tout se passe comme si l’écologie devenait le moyen de punir ceux qui vivent près de la nature, ceux qui vivent avec, et de sanctionner ceux qui restent proches des phénomènes naturels, du gel précoce, des averses de grêle ou des orages d’été, ceux qui sont proches de la vie, de la mort, des saisons, des éléments, du risque et du hasard. Ceux qui savent qu’il faut tuer pour se nourrir, couper, arracher, récolter. Ceux qui savent qu’il n’est pas donné de survivre, et que rendre la nature bienveillante à l’homme est l’effet d’une extraordinaire culture, et d’un apprivoisement réciproque exigeant, rare, et fragile. Ceux qui savent enfin que le risque est partout, et qu’à la fin c’est la mort qui gagne. 

    Accepter le risque pour aimer la nature

    Nous voici sans doute au cœur du petit secret moderne ; ceux qui ne veulent plus mourir veulent en finir avec la nature. Une société qui n’admet plus le risque ne peut accepter la nature. Le compromis libéral, qui fait de la responsabilité la condition de la suppression du risque — qui n’est pas responsable est indemnisé, (voir Renaud Beauchard, « le droit contre l’environnement », à paraître à la Fondation ID) — s’épuise devant le risque naturel ; passe encore la gelée tardive ou l’averse de grêle, mais le dérèglement du climat, mais la stérilisation des terres, mais la dégénérescence humaine sont inassurables, et déjà le monde de l’assurance contemple avec effroi le monde du risque climatique qui est en train de naître, le monde d’avec la pandémie, d’avec la chute de la biodiversité, le monde d’avec les catastrophes technologiques qui est le nôtre — qu’est-ce que la pandémie de Covid 19, sinon la première grande catastrophe technique que nous connaissons.

    Une catastrophe sur laquelle le docteur Fauci et ses complices, les Fondations américaines qui ont sans doute financé des recherches de « gain de fonction » (augmentation de la dangerosité d’un virus) sur des virus à Wuhan en profitant de la porosité chinoise à des expériences ailleurs interdites, ont beaucoup à dire (audition devant le sénateur Ron Paul, Washington le 1er novembre 2021) ?

    Tout se passe plus encore comme si l’écologie entreprenait à sa manière de réaliser la grande séparation, celle des hommes d’avec la nature — nature comme sexe, et homme et femme ne sont plus que représentations du genre, nature comme vie, et 90 % des décès ont lieu à l’hôpital cachés aux enfants comme au monde, nature comme hasard et risque, et des États sont poursuivis devant les tribunaux pour ne pas éliminer le risque climatique, et de l’extension du principe de précaution aux évolutions de la nature à la protection du capital investi, le droit poursuit la tentative totalitaire de faire sortir la vie de l’aléa et du choix.

    Il suffit d’entendre à la COP26 les discours appelant à mobiliser les milliards de dollars de l’industrie financière, pour réaliser une transformation industrielle qui va permettre d’en finir avec l’attractivité de la Chine, comme les appels à un suivi individuel permanent sous couvert d’exigence sanitaire, pour en être convaincus ; c’est bien une prise de pouvoir qui se joue, et l’écologie devient une arme géopolitique — ou un prétexte.

    Une écologie de l’exclusion

    De l’interdiction de la chasse à l’expulsion des ruraux de leurs territoires, à commencer par le droit de circuler librement, de la spoliation des mêmes ruraux par la concentration des taxes et des impôts sur le monde réel — quel symbole que le choix de l’Impôt sur la fortune immobilière et de la suppression de tout impôt sur la fortune mobilière et financière ! — au commandement du nomadisme fait à tous ceux qui continuent à dire « chez nous » sur leur terre et parmi les leurs, le prétexte de l’écologie sert à tout, et d’abord à légitimer une nouvelle société d’exclusion.

    La figure des Indiens parqués dans des réserves et privés de tout ce qui faisait leur vie, de la chasse à leur organisation sociale, est l’une des plus actuelles qui soit, des zones tribales en Inde à l’Afrique profonde et du Xinjiang en Chine à la forêt amazonienne. Sommes-nous les Indiens du XXIe siècle ? Et le paradoxe est remarquable. Alors que l’écologie enseigne les mérites de la stabilité, de la longue durée, de la protection des écosystèmes contre les éléments extérieurs qui préserve leur diversité, l’écologisme au service de la globalisation veut que tout change, veut que tous changent, et entend que rien ne demeure de ce qui a fait la vie bonne.

    L’écologie contre les traditions, l’écologie contre l’unité des populations, l’écologie contre les frontières qui sauvent, l’écologie contre ces cultures rurales qui résultent de l’adaptation réciproque et séculaire des hommes à leur milieu, et de leur milieu aux hommes, voilà une saisissante inversion des valeurs et du sens ! Quel symbole que ces entreprises qui anticipent déjà les fabuleux marchés que l’artificialisation générale des conditions de vie, de la viande produite en laboratoire à la climatisation généralisée et permanente, et de la production des enfants en utérus artificiel à la substitution du monde numérique à l’univers physique et sensible, et ont déjà tout compris.

    La suppression de tous les services gratuits de la nature, à commencer par la splendeur des paysages et la disposition de l’eau, de l’air et de l’espace, pour poursuivre par la reproduction végétale, animale et humaine, fait entrer le simple fait de respirer, de boire et de se déplacer dans un univers d’accès et de services payants — et déjà, à travers les taxes sur les carburants, les ruraux paient l’air pollué des villes, à travers le prix de l’adduction d’eau et de dépôt des déchets agricoles et ruraux, ils paient l’espace stérilisé par l’industrie, le commerce et les infrastructures, comme à travers l’obligation d’isoler leurs maisons, ils paient le prix du mitage urbain des espaces ruraux. Celui qui rentre dans la ville de Bruxelles avec un diesel s’expose déjà à une amende de 350 euros, qui lui permettra en effet de circuler pendant trois mois — mais à quel prix ! 

    Chacun voit le caractère discriminatoire de telles mesures. Le Green Deal, la fuite en avant écologique, sont des disciplines à forte exclusion. Exclusion des ruraux, qui ont le tort de chasser, de fumer, de boire des bières et d’aimer manger de la viande ! Exclusion des petits Français, ceux qui prennent la voiture pour partir en week-end, ceux qui ne supportent pas la promiscuité des métropoles et aiment leur maison au milieu d’un jardin avec un garage, ceux qui font leurs courses au supermarché, mais aiment venir en ville le temps d’un dîner ou d’une sortie entre amis.

    Exclusion tout autant des pays « moins développés », qui comme par hasard sont souvent des pays à régime autoritaire, des pays qui croient à leur souveraineté et à leur personnalité, ce qui légitime de les exclure des contrats et des bénéfices du commerce international au nom de l’écologie mêlée de Droits de l’Homme !

    Et voilà la plus grande menace. Non seulement l’écologie devient haïssable, mais elle devient le prétexte par lequel les pays riches cherchent à sanctionner les pays pauvres. L’absence de cinq des plus grands dirigeants mondiaux au G20, l’inactualité désolante de la COP26 à Glasgow, ont bien montré l’impasse dans laquelle l’écologie politique au service de la globalisation enferme ses dévots. Ici encore, pour séparer radicalement l’écologie du business et du pouvoir, la prise de conscience est urgente, et l’appel à une nouvelle laïcité le plus actuel qui soit !

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 7 novembre 2021)

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  • Pouvoir d’achat, vraiment ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la multiplication des pénuries et des hausses de prix depuis plusieurs mois.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Pouvoir d’achat, vraiment ?

    Une école américaine prévient les parents, que pour cause de rupture des chaînes d’approvisionnement, elle n'est pas en mesure d’assurer les petits déjeuners, ni sans doute les déjeuners. Les parents sont priés de nourrir leurs enfants avant l’école. Et des restaurants français s’inquiètent du nombre de produits en rupture de stock, des citrons aux mangues.

    Dans plusieurs secteurs industriels, dont l’automobile, la pénurie de semi-conducteurs arrête les chaînes de montage et provoque l’arrêt des livraisons. Et les garagistes signalent une impressionnante hausse du prix de vente des véhicules d’occasion ; jusqu’à 25 % depuis l’été !

    Des pénuries qui s’installent

    En Grande-Bretagne, plusieurs des premières usines de fertilisants, ces produits chimiques utilisés pour rendre la terre féconde et favorable aux cultures, sont arrêtées, en raison des difficultés d’approvisionnement en gaz naturel. Ce qui conduit les agriculteurs à s’interroger sur la récolte de 2022, et les prévisionnistes à pousser des cris d’alarme ; après la pénurie d’électricité à l’hiver 2021-2022 (espérons que les stocks de la France suffiront !), faut-il préparer les pénuries alimentaires pour le printemps-été 2022 ?

    Ajoutons à ces informations la réouverture d’une centrale à charbon au Royaume-Uni pour pallier la déficience des éoliennes due au manque de vent en cet automne, et nous pourrons retourner la question dans tous les sens ; comment ne pas s’inquiéter, non seulement du pouvoir d’achat, mais de l’approvisionnement en denrées essentielles, vitales, stratégiques, pour 2022 ? Car tout indique que les ruptures de chaînes, les retards de livraison, les goulots d’étranglement sont là pour durer.

    Trois facteurs expliquent une hausse des prix à la consommation que les indices de l’inflation reflètent mal, une tension croissante sur les approvisionnements, et une dégradation rapide et sensible de la qualité de vie des Français et des Européens.

    Un modèle obsolète

    D’abord, des modèles d’affaires délirants, dont le meilleur exemple est le « zéro stock, zéro délai, zéro trésorerie ». Les entreprises qui distribuent toute la trésorerie disponible à leurs actionnaires, notamment en rachetant leurs propres actions, qui ont supprimé tous leurs stocks (comme la France l’a fait avec ses masques sur recommandation de l’OMS !) et qui travaillent à flux tendu n’ont pas mesuré le risque qu’elles couraient en cas de toute rupture de chaîne logistique, en cas de tension géopolitique, ou simplement d’accident d’exploitation ?

    Voilà pourquoi l’État — le contribuable ! — a dû intervenir aussi vite et aussi massivement ; pour assurer la trésorerie de fins de mois que les dividendes servis aux actionnaires avaient sorti de l’entreprise ! Et voilà comment ce sont les déficits publics, donc les contribuables présents et futurs, qui paieront pour des modes managériales non durables, non soutenables — mais tellement rentables à court terme ! Et voilà comment l’entreprise privée reporte ses risques sur la collectivité — car nos modes de vie sont en jeu !

    L’argent ne remplace pas la stratégie

    Ensuite, l’erreur stratégique majeure, qui ignore qu’il y a des secteurs, des produits, des entreprises stratégiques. À l’inverse de ce qui s’enseigne à Sciences Po ou dans les écoles de commerce, tout ne se résume pas aux comptes, à la valeur boursière et au TRI (taux de rentabilité interne). L’argent n’achète pas tout. Il n’achetait pas des masques, des vaccins, il n’achètera pas le magnésium ou les engrais, pas plus que les semi-conducteurs et les puces — parce que ce sont là des produits stratégiques, des produits où peuvent se jouer la vie ou la mort, la puissance ou la dépendance, et que ceux qui ne sont pas capables de produire eux-mêmes ce qui leur est nécessaire ont d’avance perdu les guerres qu’ils ne pourront pas livrer. L’intelligence économique est l’arme décisive dans la guerre économique qui a remplacé la guerre des armes — ou qui décidera du sort des armes, qui sait ?

    La folie « écologique »

    Enfin, le totalitarisme écologique. La réalité du dérèglement climatique est utilisée pour porter les plus violentes attaques que l’indépendance des Nations et les libertés individuelles aient connues depuis les socialismes autoritaires. Et ce sont bien à des démocraties populaires que ressemblent de plus en plus ces pays qui souscrivent au pass sanitaire, instaurent le contrôle numérique permanent des populations, veulent faire payer pour tout et par tous les services gratuits de la nature, et plongent tout droit dans une dépendance aux maîtres du numérique dont les Etats ne semblent pas mesurer à quel point ils sont la nouvelle menace totalitaire du moment.

    Au moment où la COP26 réunit à Glasgow un grand nombre de dirigeants venus se soumettre aux injonctions des ONG et des Fondations qui occupent la rue, mais aussi les médias avec des injonctions aussi péremptoires qu’infondées, il n’est pas inutile d’affronter les contradictions affolantes du système écologique qui se met en place, et qui aggrave les tensions déjà observées sur les prix, les approvisionnements, les modes de vie. Tout commence avec l’affirmation scientifiquement erronée qu’à problème global, réponse globale. Les écosystèmes ne sont jamais les mêmes, et la réponse aux changements du climat — qui entraînent ici ou là refroidissement ! — si elle doit être pertinente sera d’abord locale, elle sera choisie, et elle entraînera l’adhésion des populations concernées — ou bien son autoritarisme la condamnera. Tout continue avec le syndrome bien connu de celui qui cherche la pièce perdue là où il y a de la lumière.

    Rien ne justifie les oukazes portés contre la France, l’un des cinq pays les plus vertueux de la planète en matière d’émissions de CO2 (0,6 % du total, grâce au nucléaire !), l’un aussi de ceux qui a su le mieux préserver son territoire et ses côtes. Chacun le sait, c’est en Asie, c’est en Amérique du Nord et du Sud que se jouent les équilibres de la planète, et les privations de libertés, et les restrictions insensées exigées par le Green Deal n’auront que deux conséquences. D’abord ruiner des pans de l’industrie européenne et affaiblir l’Union, et surtout, fâcher durablement les Européens avec l’écologie. La protection de la qualité de la vie en Europe et la défense de nos territoires sont chose trop sérieuse pour être laissées à la Commission.

    Des migrants aux vaccins, les preuves de l’abandon européen ne manquent pas. Et pour finir, le hold up sur l’écologie par Fondations et ONG sert à tout, et d’abord à manipuler les consciences, pour cacher les réalités qu’il ne faut pas voir. Le vrai enjeu de l’écologie est d’en finir avec les chaînes logistiques qui font le tour de la terre, et de relocaliser massivement les productions ; c’est de réduire le commerce international par un découplage entre continents. C’est d’en finir avec le nomadisme des biens, des capitaux et des hommes qui procède à la grande expulsion de ceux qui sont d’ici et de chez nous, c’est de lutter contre des migrations de masse qui ne peuvent que converger vers les terres tempérées et détruire les équilibres écologiques construits depuis des siècles – non, la terre n’est pas à tout le monde, mais à ceux qui se sont battus pour la garder des invasions, la mettre en valeur et la rendre féconde.

    C’est d’en finir avec la liberté de mouvement des capitaux, qui conduit nécessairement à valoriser le moins-disant écologique, et c’est d’en finir avec le privilège insensé du capital protégé des politiques nationales et de la loi par les cours d’arbitrage qui l’immunisent des choix démocratiques. Et c’est de sortir de la globalisation par la prise de pouvoir des collectivités sur les territoires qui sont les leurs, et par la responsabilité familiale de la transmission d’un cadre de vie préservé, bienveillant et sain. Famille, territoire, frontières, démocratie ; rien ne saurait être plus éloigné du vocabulaire de ceux qui entreprennent d’en finir avec la démocratie par la peur, la fausse science et la vraie propagande.

    Le catastrophisme écologique et la panique pandémique s’ajoutent pour imposer aux Nations européennes des contraintes qui ne sont ni environnementales, ni sanitaires, mais qui servent l’agenda globaliste de nos pires ennemis ; en finir avec la liberté des peuples européens. Si l’Union européenne doit avoir un sens, c’est de rendre aux citoyens des Nations européennes le pouvoir sur eux, sur leurs terres et sur la technique qui leur a été enlevé. Et c’est de préserver cette qualité de vie qui a été leur apanage pendant tant si longtemps. Que le vertige qui saisit la COP26 devant les conséquences d’engagements aberrants le rappelle à ceux qui oublient si vite qui les a élus, et pour quoi !

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 31 octobre 2021)

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  • 50 ans d’escroquerie politique, ou le déni français devant l’immigration...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'immigration.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    50 ans d’escroquerie politique, ou le déni français devant l’immigration

    D’abord, ils sont venus pour repartir. Ils, ce sont ces Maliens, Algériens, Marocains, etc., recrutés parfois par villages entiers par d’anciens militaires français dans les années 1960 pour répondre aux besoins d’une industrie française en plein essor, mais qui refusait d’investir dans les robots et préférait le travail à la chaîne de millions d’OS — ouvriers spécialisés. Certains peuplaient les bidonvilles, d’autres s’entassaient dans les logements insalubres, mais déjà, avec la construction des grands ensembles et des villes nouvelles, il était évident dans les années 1970 qu’ils ne repartiraient pas — mais interdit de le dire ! Ils étaient venus pour travailler, ils repartiraient sitôt leur tâche remplie.

    Fin de l’assimilation, tous Français !

    Après, ils allaient tous s’assimiler, et au nom de quoi douter qu’ils seraient bientôt tous des Français comme les autres ? C’est le moment qui vit le regroupement familial autorisé par le décret du 29 avril 1976 à l’initiative de Jacques Chirac sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, donc sans débat au Parlement. Puisqu’ils avaient acquis des droits — assurance maladie, retraite, logement — pourquoi ne pas permettre à leurs familles de les rejoindre ?

    Certains pourtant parlaient de quotas, de seuils de tolérance, suggéraient que l’afflux de migrants d’autre religion, d’autres cultures, pouvait ne pas garantir leur assimilation à une France encore très majoritairement blanche et chrétienne, à la différence des maçons italiens et des mineurs polonais — mais interdit d’en parler ! Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, et si quelques incidents troublaient la sérénité du discours, c’était la faute des lanceurs d’alerte, des racistes et des beaufs, confondus dans le même opprobre ! Et quand le gouvernement de Raymond Barre voulut stopper pour trois ans le regroupement familial, le Conseil d’État lui barra la route, le 8 décembre 1978, transformant l’immigration de travail en immigration de colonisation (selon Abd el Malek Sayad).

    Puis vint la marche des Beurs, du mouvement « Ni putes ni soumises », suivi de la grande manipulation montée par SOS Racisme. C’était le milieu des années 1980. Jeunes et moins jeunes musulmans, et une majorité de femmes avec eux, voulaient affirmer la compatibilité de leur Islam avec la République, et proclamaient leur volonté d’être reconnus pleinement Français, ni plus ni moins. Les femmes étaient majoritaires dans un mouvement qui aurait pu changer les rapports entre la France et l’Islam. Mais les socialistes internationalistes, agents de la soumission de la France à la globalisation montante, ne pouvaient supporter un mouvement qui échappait à leur tutelle, et risquait de refonder la lutte des classes en réalisant la solidarité entre classes populaires françaises et descendants d’ouvriers immigrés partageant leurs conditions de vie.

    La faute aux Français

    Il fallait diviser — il leur faut toujours diviser. Monté de toutes pièces avec la complicité d’un État socialiste en mal d’idées, SOS racisme tourna la revendication des Beurs en tout autre chose ; la haine de la France et des Français, présumés racistes, haineux et pétainistes, la soumission à un internationalisme qui détruisait toute possibilité de progrès social français, et enfin, et surtout, l’annonce d’un droit à la différence et l’apologie d’un multiculturalisme qui effectivement, porteraient gravement atteinte à l’unité de la Nation. Ceux qui voulaient être reconnus Français furent mobilisés contre les Français !

    Menaces, intimidations, chantages allaient s’abattre sur les Français résistants ; certains évoqueront une dérive tribale, d’autres une soumission de la France à une minorité nuisible, d’autres encore un abaissement rapide de l’unité de la France — mais interdit d’en parler et même de voir les effets de la manipulation qui fera réélire François Mitterrand en 1988 ; les différences sont une chance, la France est plus belle de toutes les couleurs, la diversité est notre avenir… rien n’a changé! Et certains, qui jouent encore la division des Français, appliquent en 2021 la recette qui a si bien réussi en 1988.

    Il fallut bien reconnaître que tout n’allait pas tout seul. La belle histoire avait des ratés. Longtemps nié, le rapport entre montée de la délinquance et immigration, difficultés d’intégration et seuils quantitatifs, devenait évident. Plus question de dire que tout allait bien dans la meilleure des France possibles ! Il suffisait de dire que ce qui tournait mal était de la faute des Français — des Français de France, cela va sans dire. Dans l’exercice, l’échine courbe d’un conseiller d’État fit merveille. Publié en 2013, le rapport Tuot en vint à commander aux Français de s’adapter aux immigrés, dénonçant « la célébration du passé d’une France chevrotante». Le Conseil est familier de ces hardiesses morales.

    L’immigration, une arme contre les nations

    Le rapport Tuot ne parquait pas encore les Français dans des réserves, mais l’idée y était — confinez ces Français qui se croient chez eux en France, veulent garder leur drapeau, leur langue, leur culture, et continuent de croire en leur Nation ! Remplacez-les vite ! D’ailleurs, les Français éliraient bientôt un Président qui leur dirait que la culture française n’existe pas ! D’ailleurs, la maire de Cologne viendrait, en octobre 2021, déclarer que les valeurs de la diversité qui distinguent Cologne autorisent l’appel du muezzin à retentir sur la ville, chaque jour, à midi ! Et bien peu soulignèrent la logique juridique du rapport ; si nous sommes tous des nomades comme les autres, si dire « chez nous » ou « chez soi » est interdit, alors en effet chacun doit s’adapter à une diversité que nul ne contrôle ni ne prétend contrôler. Qui a parlé d’occupation ?

    Et enfin, vint le pacte de Marrakech. Rien qui agite les tribunes ; d’ailleurs, la France y dépêcha un obscur secrétaire d’État au tourisme dont nul ne rappelle le nom. Le pacte, vague et « généreux », proclame le droit universel et incontournable de tout être humain à s’installer dans le pays de son choix. La « générosité » invoquée dispense de considérer les effets concrets de l’appel aux migrations, aussi dramatique pour les populations dites d’accueil que pour la majorité des migrants. Selon une méthode bien rodée, le Pacte est présenté comme une déclaration de droits généraux et abstraits, qu’il appartient à chaque Nation de traduire en droit positif. Et c’est là que l’Union européenne entre dans le jeu, une Union qui a toujours utilisé l’immigration de masse comme une arme contre les Nations — comme si dissoudre les Nations était le moyen de renforcer l’Europe ! Car la conséquence est claire ; la droit à la mobilité signe la mort des mutualités nationales. Si les citoyens les plus riches acceptent de payer pour les citoyens plus démunis, c’est parce qu’ils ont la Nation en commun. Faites-la disparaître, et la mutualité disparaîtra avec elle — où se transformera en charité ; qui est autre chose que la justice, bien moins, ou bien plus, mais n’a rien à voir avec l’égalité.

    Le bilan d’un demi-siècle de mensonges et de déni est accablant. Moins par ce qui a été fait que par l’impossibilité constatée de le défaire ; même Valéry Giscard d’Estaing a déclaré que son plus grand regret était d’avoir autorisé le regroupement familial… L’impuissance politique à répondre aux souhaits de la majorité des Français est éclatante. Elle signe un recul de la démocratie. Seule, une volonté majoritaire clairement exprimée par referendum pourrait faire prévaloir le droit du sang, à condition qu’il soit mis fin à la dictature des institutions européennes et des cours dites de justice. À condition surtout que le débat soit ouvert, les chiffres sur la table, et qu’il soit permis de parler-vrai. Chacun connaît de ces brutes de plateau télé qui ont pour parler de l’immigration des pudeurs de jeune fille. Et chacun connaît ces intellectuels qui éclairent avec lucidité nos débats politiques, mais se gardent bien de dire ou d’écrire un mot sur les migrations. Comme Marcel Gauchet récemment, ils trouvent toutes les raisons de disséquer l’échec du Président Emmanuel Macron, sauf la plus évidente…

    L’immigration au cœur de la campagne présidentielle

    Est-ce enfin le moment de rendre justice à ceux qui se sont battus, qui ont été insultés, poursuivis, persécutés pour avoir dit ce qu’ils voyaient et pour avoir donné une voix aux Français qui n’en ont pas ? Car leur heure est venue. C’est sans doute la première vertu du débat présidentiel actuel; le débat sur l’immigration est enfin au centre des propositions, comme il est au cœur des préoccupations des Français. Pour prendre la place qu’il mérite, et surtout déboucher sur les changements décisifs et nécessaires, quatre conditions s’imposent.

    La première est de tenir fermement la boucle qui unit laïcité et citoyenneté. La laïcité rend la République, certainement pas aveugle, mais indifférente à la religion ; chrétien, musulman, juif, bouddhiste, etc., tout citoyen est également français si, et le si est majeur, sa nationalité le relie plus fortement aux Français qu’à ses coreligionnaires. En clair, est Français qui fait passer la France avant Jérusalem, La Mecque ou Rome. Et chacun voit bien que le débat actuel qui tend à désigner l’Islam comme unique problème est largement biaisé. Les musulmans ne sont pas seuls à préférer leur religion à leur patrie.

    La seconde est d’en finir avec l’obsession économique qui fait s’affronter les tenants d’une immigration qui rapporte, et ceux qui font le compte des coûts de toute nature qu’elle entraîne. Évaluer l’immigration en rapport coût-bénéfice ne fait pas honneur à ceux qui se livrent à des calculs d’ailleurs toujours imparfaits, et jamais concluants. Et il faut aussitôt mesurer l’intérêt qu’ont les multinationales à prôner l’immigration ; le déracinement supprime toutes les satisfactions humaines, sauf celle de consommer. L’homme hors sol contribue à la croissance, oui, mais en cessant d’être lui-même. Bel effet de l’humanisme des Gafam et autres escrocs de l’humanisme libéral ; le multiculturalisme signifie la fin de toute culture. Et c’est l’objectif recherché.

    La troisième est de revenir sur cette condition de la citoyenneté, qu’est la souveraineté. Est citoyen celui qui décide avec les autres citoyens de ce qui les concerne. Eux, et pas d’autre. Eux, sur leur territoire, et pas ailleurs. Autant dire que les cinquante dernières années resteront comme le plus formidable déni de démocratie qui ait été ; de ce qui a été l’une de leurs premières préoccupations, voire la première, l’immigration de masse, les Français n’ont jamais pu débattre, décider, et voter. Et le principe est clair ; une Nation est libre de fixer les critères qu’elle veut à l’accès à son territoire, à sa citoyenneté, aux systèmes de solidarité mutualisés, sinon elle cesse d’exister en tant que Nation, pour devenir une offre où chacun fait son marché — les uns, en devenant exilés fiscaux, les autres, en devenant les clients des guichets sociaux. Nous en sommes là.

    Le quatrième principe est devenu indicible, parce que le seul mot de discrimination condamne celui qui l’emploie. Et pourtant, une Nation prend forme quand elle sépare les citoyens des non-citoyens, quand elle privilégie les uns par rapport aux autres, quand elle fonde cette solidarité nationale qui unit les citoyens entre eux en les séparant des étrangers. Voilà ce qui est en jeu derrière les dérives de l’Union européenne, voilà ce que le pacte de Marrakech veut détruire. Une Nation qui ne préfère pas ses citoyens se condamne elle-même — et si cela s’appelle discriminer au bénéfice de ses citoyens, qu’importe le mot, puisque la chose est juste !

    J’ajouterais un dernier point, crucial parce qu’il touche à la dignité humaine. J’ai connu les pays où toute rencontre commence par ; « d’où viens-tu ? » La question est interdite, parce qu’elle renvoie à des origines et à des territoires, à des déterminations que le nomadisme de rigueur entend faire disparaître — le local, voilà l’ennemi ! La question est interdite, parce qu’elle conduit à interroger l’appartenance ethnique, culturelle, et que la réalité de ces appartenances, leur poids humain comme leur évidence, doivent être niés pour que la société du métissage généralisé puisse advenir — le réel ethnique, religieux, voilà l’ennemi !

    Et qu’arrive -t-il quand plus aucune différence ne fait plus de différence (René Girard) ? L’argent seul fait la différence. Quand la couleur de peau ne fait plus aucune différence, la couleur de la carte de crédit discrimine efficacement — et cette discrimination là, universelle, n’est critiquée par personne. Le capitalisme totalitaire entend régner sans partage, et abolir toute distinction qui n’est pas d’argent.

    A ce compte, le bûcher des identités brûle à grands feux. Et résonne la grande voix de Proudhon ; «  Qui dit humanité veut tromper », pour nous rappeler que les hommes ne sont jamais les mêmes, et que la frontière est le dernier garant de nos libertés contre la loi d’airain de la démographie.      

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 11 octobre 2021)

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  • La nouvelle « nouvelle économie »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la nouvelle économie des entreprises géantes et monopolistiques.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    La nouvelle « nouvelle économie »

    Elle faisait les grands titres des journaux économiques dans les années 2000. C’était le temps de « l’entreprise sans usines » (Serge Tchuruk), le temps aussi où des sociétés à peine nées, sans chiffre d’affaires et sans business model, mais avec une belle histoire à raconter aux investisseurs, réunissaient des millions de dollars.

    Cette nouvelle économie est venue se briser sur le krach des valeurs du numérique et de la « tech » au début des années 2000, elle a sombré lors du krach de 2007-2008. Mais voilà que de nouveau le mot, ou la question, s’imposent : l’économie a changé. À l’évidence, les règles jugées acquises ne s’appliquent plus. Et nous manquons à la fois des mots pour désigner la situation, des concepts pour l’analyser, et des lunettes pour regarder en face la réalité d’une économie sortie de son lit. De sorte que nous n’en finirons jamais avec la nouvelle économie — chaque fois nouvelle et si vite dépassée…

    Seule l’Union européenne croit à la concurrence

    Première caractéristique ; la fin de la concurrence comme l’économie classique l’enseigne, comme seules l’Union européenne et sa Commission y croient encore. Pour une part sans cesse croissante des services et de l’industrie, des acteurs en situation de monopole et, plus souvent, d’oligopoles, se partagent les marchés mondiaux, décident des prix et des offres. Peter Thiel l’affirme sans détour ; « la concurrence est l’affaire des perdants ».

    Les gagnants de l’économie d’aujourd’hui ne sont pas en concurrence. Ils créent leur marché, ils inventent leur marché, ou bien ils concentrent les offres pour partager leur marché. Ce qui veut dire en clair qu’ils suppriment le marché comme nous le connaissons, et comme nous faisons encore semblant qu’il existe. Il est grand temps de se le dire ; la concentration des entreprises étouffe la concurrence, et le « quantitative easing » signifie la suppression de la fonction éminente des marchés ; donner un prix au risque et hiérarchiser les risques des investissements. Les marchés ont perdu leur fonction principale, pour devenir les courroies de transmission des banques centrales, anesthésiées qu’ils sont par l’afflux intarissable de monnaie. Mais quel réveil les attend ?

     Quant à la fonction de l’entrepreneur… Au capitalisme monopoliste d’État a succédé le capitalisme monopoliste privé. Il n’est pas sûr que nos sociétés y aient gagné quelque chose. D’autant que ce mouvement s’accentue au moment où la marche en avant du grand marché mondial s’inverse. Fin du « zéro stock, zéro délai, trésorerie zéro » ; disruption majeure des chaînes logistiques qui assuraient la ronde incessante des composants autour du monde — le manque de semi-conducteurs paralyse déjà maints constructeurs, la pénurie d’énergie menace des millions de ménages de précarité énergétique, et certains voient venir la pénurie alimentaire… et en pareilles circonstances, seule l’intervention de l’État peut maintenir les marchés en état de marche, et empêcher qu’ils ne tournent au racket, à l’usure, et aux monopoles.

    Une concentration féodale de l’économie

    Deuxième caractéristique ; la concentration qui se poursuit, et même, s’accélère, repose la question des inégalités en termes de pouvoir, donc de démocratie. Concentration des capitaux, des moyens, et des revenus. Le pape François s’était attiré la commisération des économistes, en dénonçant une théorie du « ruissellement » (« trickle down economics ») justifiant la faible imposition des super-riches en vertu du principe selon lequel leur richesse « ruissellerait » naturellement vers les classes moyennes et les plus démunis. Il avait raison. Rien ne vient vérifier cette théorie, jamais observée nulle part depuis le Moyen Âge et le devoir de munificence imposé aux riches et puissants ; ils doivent dépenser, pour que les autres, artisans, commerçants, paysans profitent de leur richesse!

    Et le succès mondial du travail de Thomas Piketty, malgré ses imperfections de détail, dit l’essentiel ; le sentiment d’inégalité grandit, il s’appuie sur les faits, et il devrait figurer en tête de toute réflexion politique. Car ce n’est plus d’argent qu’il s’agit, mais de pouvoir. Car pour beaucoup de ceux qui se croyaient « classe moyenne », ce n’est plus d’inégalité qu’il s’agit, mais d’injustice, et de pauvreté. Ce n’est pas qu’en France que le pouvoir d’achat redevient la première préoccupation de citoyens de plus en plus exposés à la précarité économique, énergétique, alimentaire bientôt !

    Le mouvement de concentration le plus préoccupant se déroule dans l’industrie et la finance saisies par le numérique. Trois sociétés de gestion, toutes Américaines (Blackrock, State Street, Vanguard ; voir American Affairs, spring 2021), sont en passe de contrôler la plupart des conseils d’administration des très grandes entreprises américaines et européennes. Une poignée d’entreprises contrôle l’alimentation mondiale, que ce soit comme fournisseurs d’intrants, comme propriétaires des gènes des espèces exploitées, ou comme commerçants des matières premières alimentaires. Et dans combien d’autres secteurs industriels, le pouvoir de marché est entièrement passé aux mains de producteurs qui forment ostensiblement des oligopoles.

    La conséquence politique est majeure ; la démocratie libérale reposait sur le tissu d’indépendant, d’artisans, de PME familiales qui créent encore aujourd’hui 80 % des emplois. Ce tissu se déchire. Avec lui, le libéralisme. Et nous devons regarder la réalité en face ; l’économie des monopoles de l’Internet et de la distribution est la moins libérale qui soit. Des monopoles capitalistes privés remplacent les monopoles capitalistes d’État, qui croit au progrès ?

    Un capitalisme totalitaire ?

    Troisième caractéristique ; le capital acquiert le monopole de la force. C’est le fait révolutionnaire du capitalisme devenu totalitaire. Twitter, Facebook, combien d’autres, peuvent prononcer la mort sociale de tous ceux qui ne se conforment pas aux codes implicites qu’ils ont eux-mêmes établi, ou pire encore, qu’ils n’ont jamais établi, ce qui laisse place à l’arbitraire, et qu’ils font appliquer par des sous-traitants dont il est permis de mettre en doute la faculté d’appréciation. Le mécanisme est bien connu, les régimes totalitaires l’ont employé ; la seule perspective d’être censuré instaure une autocensure préventive, de sorte que même les informations les plus vérifiées, les faits les plus établis, les opinions les plus largement partagées ne seront pas exprimées, dès lors que leur expression enfreint le code imposé par les censeurs des réseaux.

    Ceux qui ont connu les formules obligées de l’empire soviétique, ou de la Chine de Mao, du « tigre de papier » américain aux « chiens de garde » du capitalisme retrouvent avec curiosité les formules obligées sur « la société ouverte et inclusive », sur « les bénéfices du multiculturalisme » et, bien entendu, sur « les hommes sont tous les mêmes ». Inutile de préciser que c’est le moyen choisi pour imposer l’immigration de masse aux peuples qui la refusent, de nier le lien manifeste entre migrations illégales et délinquance, ou d’interdire le débat sur un multiculturalisme dont, pourtant, même Mme Merkel avait constaté l’échec manifeste en Europe.

    Il s’agit là du renversement le plus décisif. Le monopole de la force appartient à l’État dans toute Nation civilisée ; c’était l’un des piliers du droit et des Droits. Il n’en reste rien. Quand un magnat d’Internet et des réseaux, comme Jack Ma, défie le pouvoir en place à Pékin et l’autorité du Parti communiste chinois, il va méditer quelques semaines en résidence forcée sur la fragilité de son empire — d’autres méditeront plus longuement en camp de travail. Quand Twitter suspend le compte du Président en exercice du pays le plus puissant du monde, Donald Trump, c’est le Président qui s’en va, et ni Jeff Bezos, ni Bill Gates, ni Mark Zuckerberg ne tremblent devant la perspective de quelques mois en camp de travail…

    Devant les géants d’Internet, nos dirigeants ont abandonné leur mission de défense des libertés. Après quelques annonces à ce sujet ; même Donald Trump a vite abandonné la partie… Nos démocraties sont en proie à un capitalisme devenu totalitaire, à une économie sortie de ses bases, et à l’avènement d’un constructivisme social absolu. Ce n’est pas ce qui est qui compte, c’est ce qui devrait être. Énoncer la réalité, la regarder en face et en témoigner publiquement, c’est déjà se rendre coupable. Après Marine Le Pen, et tant d’autres avec elle, Éric Zemmour va bientôt s’en rendre compte…

    Pénaliser le débat autour d’un génocide dont la réalité se limite sans doute à celle de massacres intercommunautaires, en Bosnie-Herzégovine, mais dont le proconsul allemand nommé par Washington veut faire un article de foi dont la négation serait passible de prison, afin de marginaliser la résistance serbe ; interdire d’appeler les choses par leur nom, de dire qui est qui, qui fait quoi, et qui est responsable de quoi ; un effort immense pour mettre le spectacle que la société se donne à elle-même en conformité avec les intérêts dominants, pas avec la réalité de ce qu’elle est, refonde l’espace public, la liberté d’expression, et, à la fin, la conscience de soi. La réécriture de l’histoire bat son plein ; et de Shakespeare à Tintin ou au Club des Cinq, l’héritage européen subit la censure des « woke » — et sa destruction de l’intérieur.

    Ceux qui parlent de l’obscurantisme de l’Islam, pas toujours sans raison, ceux qui dénoncent le contrôle social que la Chine exerce sur ses citoyens, à juste titre, ceux qui mettent en cause avant même que les bureaux de vote ne soient ouverts, la sincérité des élections en Russie, devraient être plus attentifs à l’obscurantisme qui gagne les démocraties libérales, sous couvert de big data, d’intelligence artificielle, et de contrôle des réseaux. Car la vraie force de l’Europe, puis de l’Occident a été une conscience aiguë du monde tel qu’il est ; à la suite de Machiavel, et de son invite à considérer «  la réalité effective de la chose », plutôt que l’histoire qui en est racontée, l’Occident a su ne pas se raconter d’histoire. Ce temps-là est fini. Mais quel est ce nouveau voile d’ignorance que la société prétendue de la connaissance étend sur le réel, ceux qui le disent, et ceux qui se vouent à cette vertu oubliée ; la lucidité ?

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 11 octobre 2021)

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  • Libéralisme contre libéralisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la montée en puissance du capitalisme totalitaire.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    Libéralisme contre libéralisme

    Libéralisme et capitalisme ont eu partie liée. Ce n’est plus le cas. En Europe comme ailleurs, un capitalisme totalitaire devient la première menace qui pèse sur nos démocraties et restreint nos libertés.

    Un vieux clivage

    Pour deux siècles, Benjamin Constant avait fixé le cadre du débat ; « la liberté politique est la liberté des Anciens, la liberté de l’individu est la liberté des Modernes ». Entre anciens et modernes, entre souverainistes et mondialistes, entre tenants de l’autonomie des Nations à faire leurs lois et à respecter leurs mœurs, et apôtres de l’universalisme du droit et des droits, s’est résumé le débat politique qui nous a si longtemps tenus éveillés. Mais voilà qu’une autre ligne de fracture vient transformer en profondeur le débat. Au vieil affrontement entre le libéralisme politique, celui de la liberté des peuples, exprimé par le principe majoritaire et le suffrage universel accordé à tous les citoyens, et le libéralisme de l’individu, celui des libertés individuelles, exprimé par l’État de droit et les droits de l’Homme, oublieux du citoyen, succède l’affrontement entre le libéralisme et le capitalisme. Un capitalisme sorti des mœurs et des lois, des frontières et des Nations est devenu la plus grande menace qui pèse sur nos libertés publiques comme privées.

    Le capitalisme est sorti de son lit. C’est ce que l’incroyable accumulation de richesse par les géants du numérique américain dit aussi bien que l’ascension, puis la chute, des magnats du numérique et des réseaux en Chine. C’est ce que signifie le privilège insolent du capital, désormais immune du politique, à l’abri du vote comme des décisions gouvernementales, au titre des accords internationaux de libre-échange signés par l’Union européenne qui protègent le capital et son rendement au point de faire porter sur le contribuable le coût de toute décision, par exemple sociale ou environnementale, qui porterait atteinte au rendement attendu d’un investissement. Et c’est ce que nous disent à la fois le grand désordre qui s’étend aux États-Unis, et le grand retour au patriotisme économique qui secoue la Chine et fait rendre gorge à ceux qui ont cru édifier leur fortune sans le peuple, ou contre lui. Qui a dit que l’égalité devait fixer des limites à la liberté économique ?

    Le communisme en a rêvé, les GAFAM l’ont fait

    Que s’est-il passé ? Ni révolution dans la rue, ni coup d’État à sensation, mais un changement de nature de ce que nous appelons encore démocratie sans mesurer à quel point le mot s’est vidé de son sens. C’est le numérique qui a donné au capitalisme ce caractère totalitaire que les limites des Nations, des ressources et des organisations lui interdisaient de prendre. Deux révolutions sont passées sous silence :

    D’abord, le fait que les techniques de traitement de masse de données pratiquement infinies rendent possible la planification intégrale ; ce que les régimes communistes avaient échoué à faire, faute de moyens techniques adéquats, Amazon ou Google peuvent le faire, mais alors que les régimes socialistes affirmaient le faire au bénéfice du peuple Amazon ou Google le font au bénéfice de leurs seuls actionnaires.

    Ensuite, le fait que la maîtrise de l’information acquise du fait de l’Intelligence artificielle et des algorithmes permet de fabriquer l’opinion, de susciter des états de conscience, bref, de modifier la perception du Bien et du Mal dans un sens unique et facile à identifier — à condition de s’en tenir à distance. Le numérique permet au capital de fabriquer la vérité — d’imposer sa vérité. Résumons en quelques mots ; tout ce qui vient de l’État est mal, tout ce qui vient du privé est Bien.

    Les milliardaires du Net font le Bien de l’humanité ; leurs fondations et les ONG qu’ils financent, généralement avec l’argent accumulé dans des paradis fiscaux ou acquis en ruinant les classes moyennes de leur pays d’origine, ne peuvent être mises en cause. La justice n’a rien à voir avec le capital et les revenus ; les pauvres doivent tout à la charité des riches. D’ailleurs qui n’est pas ému par la bonté d’âme des Soros, Gates et cie ? Les exemples criants de manipulations d’opinion sont partout. Citons seulement les coûts écologiques de ces voyages dans l’espace dont les Branson, Musk et cie semblent faire leur nouveau jouet — et dont personne ne dénonce les impacts désastreux. Citons encore la volonté, affichée par Gates, Bezos et quelques autres, de lancer l’exploitation du Groenland et des terres australes, piétinant un consensus que l’on croyait acquis sur la préservation de ces terres vierges et surtout, fragiles.

    Et citons encore l’extraordinaire impunité dont bénéficient des opérateurs modernes d’une censure dont l’arbitraire n’a d’égale que la partialité, mais dont aucun gouvernement, en dehors de la Chine, n’est parvenu à leur imposer les sanctions qui sauveraient cette condition de la démocratie ; la liberté d’opinion. Pour conclure ; nous vivons un nouveau temps des « robber barrons », ces Vanderbilt, Pierpont Morgan et autres bâtisseurs d’empires par le crime et la fraude, mais pardonnés parce qu’ils construisaient des bibliothèques ! Mais à quand la loi sur l’enrichissement sans cause, qui brisera leurs empires ?

    L’économie emportée par un capitalisme intégral est devenue totalitaire. Elle a plus à voir avec la croyance qu’avec l’économie, la société et bien sûr, la politique. Et c’est bien en cela que cette économie du capitalisme est totalitaire ; elle avale tout ce qui n’est pas elle. L’extension du domaine du marché à tout ce qui vit, de la reproduction humaine à la lutte contre les pandémies, comme l’illustre l’indécente fortune accumulée par les big pharma sous prétexte du Covid, est spectaculaire ; comme est spectaculaire la constitution de monopoles privés qui remplacent les monopoles d’État.

    Pour sortir de cette situation qui menace plus encore que les libertés, la vie elle-même, la première solution est de rendre aux populations leurs biens communs, des autoroutes à La Poste et des chemins de fer aux hôpitaux ; à eux d’en devenir associés propriétaires, à eux de décider de leurs conditions d’exploitation et du rendement qu’ils en attendent. La seconde est d’affirmer la priorité de l’indépendance stratégique, et de la décliner dans tous les secteurs où l’intérêt de la Nation est en jeu. La dernière appelle une tout autre dimension. Celle du sacré. Et comment ne pas paraphraser Heidegger ; face à l’être de la technique déchaîné par la cupidité privée, pouvons-nous faire autre chose que créer les conditions pour qu’à nouveau, le sentiment du sacré nous emplisse de respect, de crainte et de retenue ?

    Hervé Juvin  (Site officiel d'Hervé Juvin, 15 septembre 2021)

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